Recherche > LA PISTE GENETIQUE

Plusieurs études récentes identifient des mutations génétiques en cause dans l’autisme. Les gènes impliqués jouent un rôle dans le fonctionnement des synapses. En accordant sa part à l’inné, cette découverte lève un pan du voile qui entoure ce syndrome très complexe.

 

Début 2008, notre équipe a décrit une souris génétiquement modifiée présentant un comportement de type autistique. En mutant un seul gène impliqué dans l’autisme chez l’homme, nous sommes parvenus à reproduire chez la souris certains troubles du comportement similaires à ceux du syndrome humain. Depuis que le syndrome a été décrit en 1943 par le psychiatre Léo Kanner, l’autisme a suscité un débat quant à ses causes, débat que l’on pourrait résumer ainsi : naît-on autiste ou le devient-on ?

 

Depuis cette époque, la définition du syndrome s’est élargie. On parle désormais de « troubles du spectre autistique » (TSA) qui affectent 1 enfant sur 200. A côté de l’autisme de Kanner, caractérisé par 3 critères (troubles des interactions sociales ; troubles de la communication verbale ; gestes répétitifs et stéréotypés), les TSA incluent d’autres formes, par exemple le syndrome d’Asperger* ou encore le syndrome de Rett*. Cet élargissement du spectre a permis de montrer, grâce aux découvertes qui se sont succédées depuis 2003, que des facteurs génétiques sont en cause dans certaines formes d’autisme. Nous avons identifié des mécanismes biologiques à l’origine du syndrome. Si tous les gènes impliqués sont loin d’avoir été découverts, nous comprenons déjà mieux le rôle de certains d’entre eux.

 

Tout commence en 2003. Cette année-là, nous identifions pour la première fois des mutations altérant deux gènes du chromosome X chez des frères dont l’un atteint d’autisme et l’autre du syndrome d’Asperger. Ces gènes codent chacun respectivement une protéine, la neuroligine 3 et la neuroligine 4, qui sont impliquées dans le fonctionnement des synapses. Cette découverte nous lance sur la piste de la « voie synaptique ». De quoi s’agit-il ?

 

Les synapses permettent la transmission d’information à partir d’un neurone dit pré-synaptique par la libération d’un neurotransmetteur qui vient se fixer sur les récepteurs d’un neurone post-synaptique. Les neuroligines sont des protéines exprimées à la surface d’un neurone post synaptique qui se lient à des protéines exprimées à la surface d’un neurone pré synaptique, les neurexines. Cet assemblage joue un rôle clé dans la formation et le fonctionnement des synapses. Par ailleurs, la synapse favorise ou tempère la diffusion de l’influx nerveux d’un neurone à l’autre. Et un bon fonctionnement du système nerveux dépend de l’équilibre entre les synapses excitatrices et inhibitrices. Or les neuroligines jouent un rôle déterminant pour établir cet équilibre.

 

Plusieurs mutations de gènes codant des neuroligines ont depuis été identifiées chez d’autres patients. Ces altérations sont cependant toujours différentes d’une famille à l’autre et n’ont été retrouvées que chez très peu de patients. Elles ne permettent donc pas de comprendre l’ensemble des atteintes génétiques associées au syndrome. Mais ces premiers résultats ont ouvert la voie. D’autres gènes de vulnérabilité à l’autisme jouant un rôle dans la voie synaptique ont été découverts depuis.

 

Ainsi, en 2007, nous avons identifié Shank3. Ce gêne, localisé sur le chromosome 22 code une protéine dite d’ « échafaudage » nécessaire au bon assemblage des protéines qui interviennent dans le contact synaptique entre les neurones. Dans un groupe de 227 enfants atteints de trouble du spectre autistique, nous avons identifié des altérations différentes de Shank3 chez cinq enfants.Ces résultats ont été répliqués récemment par des équipes canadiennes et américaines. Ils confortent la « voie synaptique » dans la vulnérabilité à l’autisme et témoignent du rôle majeur du gène Shank3 dans le développement du langage et de la communication sociale.

 

Toujours en 2007, le consortium Autism Genome Project qui réunit une cinquantaine d’équipes aux Etats-Unis et en Europe a identifié un quatrième gène associé à l’autisme, en étudiant 1168 familles dont au moins deux enfants étaient atteints. Une suppression d’une copie de ce gène a été trouvée chez deux sœurs. Ce gène joue lui aussi un rôle dans la voie synaptique, car il code la Neurexine1, une protéine qui se lie avec les neuroligines sur la face pré synaptique des neurones. Enfin, en 2008, un autre gène, Contactin associated protein 2 (CNTNAP2) codant une protéine qui partage des similitudes structurelles avec les neurexines a été mis en cause dans l’autisme par plusieurs études génétiques.

 

Les altérations des gênes synaptiques identifiés jusqu’à présent –neuroligines, neurexines et Shank3- n’expliquent qu’un petit nombre de cas d’autisme, 3% environ. Mais dans certains cas, l’altération d’un seul de ces gènes a suffi pour engendrer le syndrome. Cela confirme l’intérêt de la voie synaptique, tout en indiquant que de nombreux autres gènes restent à découvrir.

 

Ainsi notre équipe s’est intéressée à une hormone qui joue un rôle essentiel dans la régulation des rythmes biologiques, la mélatonine. Plusieurs études indépendantes ont découvert des taux bas de mélatonine chez des patients atteints d’autisme. En 2008, nous avons identifié des mutations du gène ASMT qui code une enzyme de synthèse de la mélatonine. Les analyses biochimiques ont indiqué une diminution très significative de l'activité de l’enzyme ASMT et de la mélatonine sanguine chez des patients atteints d’autisme comparés aux témoins. De plus, dans plusieurs cas, le déficit en mélatonine était déjà détectable chez les parents, ce qui indique qu’il s’agirait plutôt d’un facteur de risque que d’une conséquence du syndrome. L’identification de ce déficit en mélatonine est un nouveau pas en avant. Il pourrait expliquer en partie l’origine des troubles du sommeil dont souffrent près de 60 % des personnes atteintes d’autisme. D’ailleurs, plusieurs études récentes montrent que la prise de mélatonine réduit les troubles du sommeil chez les personnes atteintes d’autisme.

 

Finalement, où en sommes-nous aujourd’hui ? Les résultats obtenus suggèrent fortement qu’une anomalie de la formation et de la maturation des synapses joue un rôle dans les causes de l’autisme. L’identification d’un déficit de mélatonine comme facteur de risque permet de mieux aborder la prise en charge des troubles du sommeil chez les patients. Loin de réduire l’autisme à un seul gène, ni même à la seule cause génétique, tous ces résultats indiquent au contraire que le syndrome présente des origines multiples. La collaboration entre généticiens, neurobiologistes et psychiatres est donc plus que jamais nécessaire pour continuer à percer le mystère de ses origines.

 

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Dr Richard DELORME
FRANCE

Praticien hospitalier dans le Service de Psychopathologie de l’Enfant et de l’Adolescent
Professeur assistant de psychiatrie de l’enfance et de l’adolescence - Hôpital Robert-Debré, Paris 

 

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Pr Thomas BOURGERON
FRANCE

Professeur à l’Université Paris VII
Directeur d’un groupe de recherche à l’Institut Pasteur 

 

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Pr Marion LEBOYER
FRANCE

Responsable du Pôle Psychiatrie CHU Créteil
Directrice de l’équipe INSERM de Psychiatrie Génétique
Directrice de la Fondation Fondamental 

 


 


 

GLOSSAIRE

  •  Le syndrome d’Asperger est une forme spécifique d’autisme pour lequel le langage n’est pas atteint et où le sujet a souvent un QI élevé.
  • Le syndrome de Rett atteint uniquement les filles et se caractérise pat un retard mental et des mouvements répétitifs et stéréotypés.
  • Les synapses sont des jonctions entre les neurones, essentielles à la perception sensorielle, la coordination des mouvements, l’apprentissage et la mémoire.
  • Les exons sont les parties transcrites des gènes qui codent les protéines.

 


 
 

 

 

 

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